– Collaboration spéciale d’Anik Desjardins, CRHA.

Les spécialistes en marketing ont compris depuis longtemps l’importance et l’impact de créer un lien émotif entre un produit ou une marque et ses clients. Parmi tous les exemples disponibles,voici une publicité présentée dans le cadre du Super Bowl!

Qu’en est-il du lien émotif créé entre un employeur ou un gestionnaire et ses employés? Les mesures d’engagement et de mobilisation des employés en entreprise évaluent, entre autres, le lien affectif et émotif envers le gestionnaire et l’entreprise. Pourquoi est-ce pourtant si difficile pour les gestionnaires d’établir et d’utiliser l’émotion comme outil de gestion avec leurs employés? La crainte de la vulnérabilité serait-elle en cause?

Rappelons que notre premier outil de communication, celui avec lequel nous naissons, est l’émotion. Par notre sourire, nos pleurs ou nos cris, nous communiquons nos besoins à nos parents…

Par la suite, nous grandissons et nous forgeons notre personnalité avec nos émotions.  Et ce, jusqu’au moment où nous entrons dans le milieu du travail.  À ce moment, nous démontrons notre savoir-faire et développons nos compétences, il faut faire nos preuves, se montrer à la hauteur, bâtir notre crédibilité, intégrer de nouvelles connaissances… Et surtout, ne pas montrer se montrer faible, ne pas rendre visible nos émotions.

Je me rappelle mon premier rôle de gestionnaire RH à l’âge de 24 ans pour une entreprise en technologies. Je travaillais des longues heures, je me montrais forte, je n’étais pas vulnérable et j’étais professionnelle, en tout temps… Même qu’alors que j’étais en déconfiture personnelle pendant quelques semaines suite à une séparation. Personne au bureau n’avait pu se douter que quelque chose clochait. J’étais vraiment fière de moi. J’avais réussi à cacher complètement mes émotions, j’étais forte et professionnelle….

Dans le cadre de la poursuite de mon développement professionnel et personnel, j’ai eu la chance d’être entourée de gens qui m’ont appris que la vulnérabilité était possible, même dans le milieu de travail. Et j’ai appris que je pouvais oser cette vulnérabilité et exprimer mes émotions, sans crainte, et que cette ouverture pouvait même être utile dans le cadre du travail. J’ai appris qu’on pouvait nommer comment on se sent, sans que ça soit menaçant. Et qu’on pouvait faire de la place aux émotions des autres, sans que ça nuise à notre performance d’équipe!  J’ai appris qu’en communiquant mes craintes et mes doutes à mon équipe, j’ouvrais un espace de collaboration.

Il m’apparaît important de distinguer les notions d’être émotif vs d’exprimer ses émotions. Être émotif consiste à laisser ses émotions surgir, parfois de façon imprévisible et avec intensité, ce qui n’apporte pas toujours de bons résultats en milieu de travail et en gestion. Alors qu’exprimer ses émotions consiste à partager comment on se sent face à une situation, ce qui m’apparaît une source d’information riche et pertinente à l’analyse d’enjeux de gestion.

Notre réussite professionnelle dépend moins de notre QI ou de nos diplômes que de notre savoir-faire émotionnel, affirme le psychologue américain Daniel Goleman dans son livre L’intelligence émotionnelle. Celui-ci a mis en évidence que, dans le monde professionnel, les « gagnants » ne sont pas forcément les surdiplômés, mais ceux qui sont humainement appréciés, capables de reconnaître et de gérer leurs émotions et celles des autres.

Pourtant, en échangeant avec les gens autour de moi, avec mes collègues et clients, je me rends compte à quel point le malaise persiste face à la présence et la gestion des émotions dans nos organisations. Plusieurs peurs persistent, « paraître en manque de contrôle », « avoir l’air faible », ou encore « ça peut se retourner contre moi »! Nommer des émotions dans le cadre d’une conversation au travail serait-il utopique, mal vu ou simplement non pertinent dans plusieurs environnements de travail?

Malgré tous nos efforts, nos émotions ne peuvent pas être complètement contenues. Elles se manifesteront d’une manière ou d’une autre dans notre ton et notre vocabulaire, dans notre expression faciale et corporelle… Des émotions telles le plaisir, la nervosité, le détachement, l’impatience ou l’agressivité sont difficiles à cacher. Et inconsciemment, nous sommes capables de percevoir les émotions manifestées et non nommées chez l’autre. Alors, pourquoi ne pas les apprivoiser, les reconnaître et leur faire place de façon utile et gérée?